RENCONTRE AVEC AGATHE MARCÉ

En 2025, nous avons eu le coup de coeur pour les Big Mamas de l'artiste biarrotte Agathe Marcé.  Elle nous a invité dans son atelier qu'elle partage avec sa maman, en haut de la Côte des Basques. En plusieurs décennies, elle a vu l'évolution du surf et du surf féminin plus précisément. Largement inspiré par la culture surf des années 90, elle nous plonge dans un univers fluo aux connotations teintées de nostalgie. 
Rencontre avec Agathe Marcé et ses Big Mamas.

Bonjour Agathe, Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

Je m'appelle Agathe Marcé, j'ai 35 ans, je vis à Biarritz, je suis artiste,et je peins beaucoup de choses autour du surf.

Tu surfes depuis toujours ?
Agathe : C'est mon père qui m'a mise au surf, qui m'a mis le virus, j'ai dû commencer entre sept et neuf ans, et depuis je continue.

Quels sont tes spots de prédilection en ce moment ?
Ahhh je vis à côté de la Côte des Basques, donc forcément, je peux y aller à pied, donc c'est un peu mon spot favori. Et j'ai joué un peu partout, mais c'est vrai que mes spots préférés ça reste… et la Côte.

J'ai vu que ta sœur faisait du bodyboard, toi, c'est quoi ton jouet préféré ?
J’aime bien les grandes planches, pas totalement longboard, mais une planche avec du volume, où on a du drive. Mais je surfe un peu de tout, j'aime bien tout le temps changer, pas une seule planche. J'en ai beaucoup.

Où elles sont dans cet appartement ? Elles sont ailleurs parce qu'elles ne rentrent pas ! C’est pas possible ! Je dois en avoir 10 donc c'est compliqué à ranger, elles sont chez mes parents.

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On revient sur le côté plus artistique, quand as-tu commencé à dessiner ?

Je dessine comme tous les enfants depuis toujours, mais moi je ne me suis pas vraiment arrêtée quoi. Je dessine beaucoup, j'ai toujours peint, j'ai toujours eu un rapport aux images assez important dans ma vie. Je suis née avec un problème aux yeux, donc on m'a beaucoup forcée à regarder des images pour me rééduquer les yeux. Et je pense que ça m'a fait mon univers, donc par le visuel. J'ai été aussi beaucoup marquée quand j'étais jeune par le surf, mais également par toute l’imagerie autour, tous les magazines que mon père avait. Au début, j'étais plus plongée dans l'univers visuel du surf que dans le surf en lui-même. J'adorais surfer, mais j'étais presque plus passionnée, de passer des heures dans les magazines, à accrocher des tonnes de posters au mur, stickers,…. J'ai pu développer mon univers visuel comme ça, autour de cet univers-là des années 90.

Effectivement, ça se ressent quand on regarde tes peintures, on voit les vieux stickers Billabong, y’a des œuvres comme les « Sexwax » qu’on a vues. On voit vraiment cette inspiration années 90. Comment peux-tu définir cet art-là ? Quelle technique ? Est-ce que c’est uniquement de la peinture ?


Je touche à beaucoup de médiums : de la peinture acrylique, je dessine aussi beaucoup à l'encre de Chine, parfois juste au stylo, avec de la trame comme dans les mangas. J'ai plein de rapports d’échelle, je peux dessiner tout petit, mais peindre en très grand. Je peux toucher à tout et je ne veux pas me renfermer dans quelque chose. Ce que je peins et ce que je dessine, ça tourne beaucoup autour de la nostalgie heureuse d'un moment de surf ou de découverte. Les Sexwax, par exemple, je les admirais comme un bijou dans la vitrine d’un surfshop.À l'époque, les surfshops, il y avait la vitrine en verre, et il y avait ces objets que l'on ne pouvait pas toucher et ça me fascinait. En fait, je peins ça, je repeins ma chambre d’enfance avec des posters partout. Je viens me raccrocher à ces couleurs. Et après, mes Big Mamma, elles ont aussi un rapport au surf, mais presque un rapport encore plus intime parce qu'elles ont un rapport au corps, envers mon expérience de fille dans le surf. Et comment on est, comment on se déplace dans cet univers-là.

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Pourquoi Big Mama justement ? Tu aurais pu faire une surfeuse filiforme.

Je ne voyais jamais de femmes dans les magazines, ce n'était que des hommes partout, alors je pensais que ce n'était pas possible d'être une femme et de surfer, je n'avais aucun exemple. J'étais une des rares dans mon école de surf, on me disait : « Tu ne peux pas faire ça, parce que tu es une fille », « Tu ne peux pas mettre ce boardshort de garçon parce que tu es une fille ». J'avais beaucoup ce rapport qu’on me renvoyait : « Tu es une femme donc tu ne peux pas faire ça ».Les seules images de femmes dans les magazines, elles sont de dos en bikini, seins nus, passives et pas du tout dans l'action du surf, je ne m’y retrouvais pas. J'ai toujours été dans ce rapport au surf avec les copains de mon père qui faisaient beaucoup de bruit dans l’eau. Étant quelqu'un d'assez réservé, moi je voulais m'effacer tout le temps. Je faisais en sorte d'être la plus discrète possible. Et en fait, cette Mama, c'est un peu mon exutoire, c’est l’inverse, c’est dire « il faut prendre de la place, il faut être visible, même si on ne veut pas l’être ». Elle est énorme, elle a les seins qui bougent dans tous les sens, elle est puissante, elle est forte, elle sait surfer, elle s’impose… et c’est bien ! Évidemment, c'est l’image d’un corps féminin que je trouve beau et qui montre autre chose que la norme qui est moche.

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Et justement, on a presque le même âge. Je ne suis pas née dans le Pays basque et le nord des Landes, je viens du nord, de Lille. Je suis arrivée ici il y a 20 ans, j'ai directement travaillé dans l'industrie du surf chez Rip Curl. Donc je vois ce dont tu parles. Il y a 20 ans, ça commençait un petit peu à aller dans le mieux, mais l'image de la surfeuse restait celle de jolies blondes, malgré leur niveau de surf incroyable. Je parle d'Elise Garrigue, Alana Blanchard…
20 ans plus tard, on voit quand même une énorme évolution au niveau féminin, le nombre de filles dans l’eau.

Je trouve que c'est très bien, et il fallait ! Ce n'était pas possible que ça reste comme c’était, un univers beaucoup trop masculin, pas assez ouvert. J'ai le souvenir qu'on se faisait engueuler si on surfait ailleurs qu'à la Côte des Basques en longboard. À la Grande Plage en longboard, par exemple, il fallait sortir de l’eau. Évidemment, pour les filles, si elles ne s’imposaient pas, elles ne prenaient pas de vagues. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, je vois bien la mentalité dans l’eau. Même s’il y a de l'énervement parce qu'il y a du monde, il y a plus de tolérance avec les gens qui sont moins bons. Certains laissent partir sur des vagues alors qu'avant c'était un peu des chiens qui trouvent l’os et qui ne veulent pas lâcher. Je trouve que c'est très bien, mais je continue à faire tout ça, parce que ce n'est pas parce que c'est un peu acquis que c'est bon. Donc j'ai besoin d'exprimer ça, de me mettre dans la rue, de dessiner des trucs sur les murs, de coller des choses que l'on arrache immédiatement. Et c'est là qu'on voit qu'il y a un problème avec mes images, des fois ce n'est pas toléré. Donc je continue !

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Et justement, il y a des filles qui viennent vers toi pour te remercier, pour te dire à quel point tes œuvres sont valorisantes pour l'image de la surfeuse ?

 Oui, ça m'est arrivé que dans des expos, quelques personnes me disent : « Merci, ça fait du bien de voir ça », « Ça m’a touchée ». Après, c’est l’art, c'est quelque chose de très intime que j'ai fait sans réfléchir au début, je n'avais pas forcément compris ce que je produisais. C'est après qu’on intellectualise et qu'on comprend ce qu'on a produit. Ce qui part au départ de l’intime et qui touche l'autre, forcément, ça marche.

On va revenir un peu sur ton univers graphique. On avait la Big Mama. Est-ce que tu as directement commencé par ces personnages-là ? Ou tu parlais de ta chambre. Est-ce qu'il y a eu d'autres univers que tu as essayé de travailler ?

 Non, c'est vrai que tout s'est déclenché avec ce personnage-là. Il y a six ans, je l'ai dessinée et j'ai senti tout de suite qu'il y avait un truc, que j'avais touché quelque chose et que j'avais besoin de m’exprimer. J’ai beaucoup produit de Big Mama et maintenant j’en ai assez produit, je passe à autre chose, toujours autour de tout ça mais je pars sur d’autres rapports à l'archive, à cette nostalgie. J’étends beaucoup plus mon univers maintenant.J

Et tu parles de nostalgie. Tu fais référence à tes années adolescentes dans ta chambre ? Nostalgie du milieu du surf ?

C'est étrange, parce que ça fait image nostalgique, alors que je disais justement que ce n’était pas très simple pour moi, le surf, à cette époque. Il n'y avait pas de combis pour les filles, c'était même compliqué d'aller à l’eau. On devait utiliser des combinaisons pour garçons. C'est un rapport ambigu. Le surf m’a beaucoup énervée à des moments, j'ai même arrêté un certain temps, puis j'y suis revenue par le longboard. Mais c'est presque un univers graphique qui m'intéresse aussi. La série de la chambre, des pièces comme ça, ce sont des photos que j'ai prises en argentique quand j’avais 10 ans en me disant : « On doit déménager de notre maison, je veux garder une trace ». Bon je l'ai gardée, et j'ai toujours voulu en faire quelque chose. Donc c'est maintenant que je les ai peintes.

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Est-ce qu'il y a des artistes aujourd’hui qui t’inspirent ?

Alors franchement beaucoup ! Je peux citer une qui m'a toujours inspirée, qui est décédée il y a longtemps : elle s'appelait Margaret Kilgallen. Elle peint des femmes qui sont un peu badass quoi, des femmes qui se battent dans la rue, qui fument, à une époque où peindre des femmes, c'est toujours compliqué, ou en tout cas pas de manière passive. Elle, c’est plein de choses très différentes, c’est un univers qui m’a beaucoup marquée. C’était la femme de Barry McGee, qui est un grand artiste que j’adore aussi. C’est tous ces artistes-là dans ce milieu artistique surf et skate. Donc c'est ce genre d’artistes que j’adore, mais je peux dire que j’adore David Hockney alors que ça n’a rien à voir.Julie : En inspiration manga ?Agathe : Ah oui, alors ça, c'est du graphisme, c’est pareil. C'est quelque chose que j'ai beaucoup aimée jeune, et que je retravaille à ma manière.Ça par exemple, c'est un petit peu la collection des stickers que j'avais en étant plus jeune, toutes ces marques de skate et de surf. Là, je le traite au crayon en noir et blanc avec une trame qu'on a dans le manga, donc je me les réapproprie.

Ça s'est fait à quoi ?

Je fais ça au stylo noir avec la trame qui s'achète en papier avec différents niveaux de gris, différentes manières d'être clair ou foncé. Ça se découpe et ça se colle sur les endroits que tu veux.

Comment tu as appris à dessiner ? Tu es autodidacte ? Tu as une formation ?

J'ai une formation en graphisme, mais je suis quand même autodidacte. Je peins et dessine depuis toujours. Je recopiais les bandes dessinées pour les faire parfaitement (Tintin, des mangas). Après, j'ai fait une école de graphisme à Bordeaux, de temps en temps, je me forme encore. Parfois à l’école d’art pour faire de la gravure, j’ai récemment fait une formation pour apprendre à faire ma propre peinture, pour comprendre comment ça marche. Je suis tout le temps en recherche.J

Principalement autodidacte ?

Oui, principalement, mais j’ai quand même appris en graphisme. J'avais des cours de modèle vivant, des cours de dessin d’analyse, d’observation.

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T-shirt femme Culs Nus par Agathe Marcé
T-shirt femme Culs Nus par Agathe Marcé

Agathe a répondu présente pour cette nouvelle collaboration 2025. Nous vous présentons 2 t-shirts, une expo visible jusqu'au 31 juillet, ainsi qu'une planche custom que nous vou présenterons dan les prochains jours.


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