À proximité de la plage de Capbreton se trouve un canyon sous-marin. Un lieu réputé pour la beauté des paysages et le séjour d’une faune et d’une flore exceptionnelle. Le Gouf est un canyon long de 300 km qui atteint 4 800 mètres de profondeur. Pour en apprendre plus sur cette étrange vallée sous-marine, nous avons interviewé deux experts : Hugo Verlomme, écrivain journaliste spécialiste du Gouf, ainsi que Clément Brouste, comportementaliste animalier, fondateur d’Apex Cetacea (centre dédié à l’observation et à la recherche des cétacés, plus particulièrement dans le Gouf de Capbreton).
Interview d’Hugo Verlomme
Qui êtes-vous ?
Je m’appelle Hugo Verlomme, passionné de l’océan et d’Hossegor depuis l’enfance, j’ai écrit plus de 30 livres sur l’océan, je vis à Capbreton, je pratique le bodysurf et je me suis intéressé au canyon dès 2005. Depuis 2015 j’organise, avec la ville de Capbreton et le parrainage de l’Ifremer, les Journées du Gouf qui réunissent chercheurs, scientifiques et autres passionnés du canyon. Nous venons d’ailleurs de sortir un roman, coécrit avec Valentine Karwoski, dans lequel il est question du Gouf : « Le Doigt mordu » (c’est le nom d’un lieu de pêche sur le canyon). J’ai également écrit « La Piste de l’eau », un récit autobiographique où le Gouf est aussi présent.
Le Gouf c’est quoi ?
Longtemps les gens ont cru que c’était une faille, une fosse, sans trop savoir de quoi il s’agissait. Or, sans le canyon, Capbreton et Hossegor n’existeraient pas. Les lieux où l’on vit ont une histoire géologique avant d’avoir une histoire humaine. Il y avait un fleuve, l’Adour, qui se jetait dans le canyon, et sûrement des rivières. Ce qui fait le caractère unique de ce canyon c’est qu’il est relié au littoral et qu’il est à la fois long et profond à son extrémité. Tu peux nager depuis la plage de Capbreton ou d’Hossegor et te retrouver au-dessus de la « tête » du canyon. Ce sont les seuls rochers de la côte.
Comment a-t-il été créé ?
C’est tout un processus qui se déroule sur des millions et des millions d’années, par la tectonique des plaques et par les niveaux marins qui changent, avec ce canyon situé dans le prolongement de la faille pyrénéenne. Il y a 20 000 ans, le niveau de la mer était 130 mètres plus bas, nos ancêtres pouvaient donc aller à pied jusqu’à la tête du Gouf !
Le Gouf a-t-il une influence sur la célèbre vague de la Nord d’Hossegor ?
Oui tout à fait, la Nord est générée par certains reliefs de la tête du Gouf. Récemment, nous avons travaillé sur la bathymétrie de cette zone. Avec le regard des plongeurs, comme Nicolas Bidou des Aquanautes, et des surfeurs qui pratiquent régulièrement la Nord, Alex et Guillaume Mangiarotti, nous avons pu déterminer par quels mécanismes se forme cette vague mythique, l’une des plus connues de France.
L’été dernier nous avons lancé un concours participatif de toponymie avec l’IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) et le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la Marine) pour nommer huit lieux spécifiques du Gouf. L’endroit où se forme la Nord a donc été appelé La Rampe. Ce qui en fait sa particularité c’est que c’est un « reef break », une « vague de récif » qui se forme toujours au même endroit. C’est une vague mythique en Europe depuis les années 1960-70, elle attire des surfeurs du monde entier prêts à surfer la Nord.
Au Portugal, la vague de Nazaré (plus grosse vague du monde) se forme grâce la présence d’un canyon semblable à celui de Capbreton, d’où le jumelage des deux villes depuis 2018.Quelle est la profondeur du Gouf ?
Il descend en pente douce depuis la tête du Gouf. À 300 m du littoral de Capbreton, il n’est profond que de quelques dizaines de mètres puis, 300 km plus loin il atteint une profondeur maximale à 4 800 mètres dans la plaine abyssale du golfe de Gascogne.
Pourquoi le Gouf est-il si peu connu ?
Avant que je m’en occupe, les gens connaissaient le nom, le mot, mais ne savaient pas toujours ce qu’il y a derrière. Il n’est pas connu parce qu’il est sous l’eau, caché par la surface. Pour faire connaître des choses qui se trouvent sous l’eau, il faut beaucoup d’imagination, faire beaucoup d’efforts pour tout expliquer. Rendre l’invisible visible. On ne connaît que 10 % des fonds marins.
Y’a-t-il des mythes, des légendes ?
Il n’y a pas encore de légendes parce que les gens ne connaissaient pas le canyon. Les légendes se créent maintenant !
C’est quoi les Journées du Gouf ?
Ce sont des journées très denses où se réunissent les amoureux du Gouf et de l’Océan, chercheurs, scientifiques, marins, pêcheurs, plongeurs, surfeurs, artistes, passionnés pour célébrer ce formidable patrimoine géologique qui est aussi un hotspot de la biodiversité marine. Le prochain événement lié au Gouf aura lieu le 22 octobre 2022 à Capbreton. L’événement est ouvert à tous et gratuit, à suivre sur le site de la Ville de Capbreton.
Vous pouvez retrouver le dernier livre d’Hugo Verlomme et Valentine Karwoski « Le Doigt mordu » en librairie ou sur internet.Après la rencontre avec Hugo Verlomme, nous avons eu la chance de discuter avec le comportementalisme animalier, Clément Boustre, pour Apex Cetacea.
Qu’est ce que c’est Apex Cetacea ?
C’est un centre dédié à l’observation et la recherche des cétacés, plus particulièrement dans le Gouf de Capbreton. On propose également des expéditions ouvertes au grand public pour que les gens puissent venir avec nous observer ces animaux, de manière éthique et responsable. Ces expéditions permettent de financer nos études. Cela permet aussi d’avoir un axe d’éducation et de conservation pour protéger ces animaux. Tout le monde est gagnant, les gens peuvent vivre un joli moment, grâce à ces expéditions, on peut financer nos études, puis grâce à ces études nous pouvons en apprendre plus sur ces animaux et donc les protéger. L’histoire a commencé l’année dernière, au mois de janvier 2021, en plein Covid.
Qui fait partie de l’équipe Apex Cetacea ?
Il y a une partie professionnelle et une partie associative. Alexis, le "main Skipper" et biologiste marin. Ines, la directrice de recherche. Romain alias Mowgli, scaphandrier et plongeur. Karine, stagiaire en biologie marine et moi, comportementalisme animalier, manager de toute la recherche et directeur d’Apex Cetacea.
Quels sont les animaux observables dans le Gouf de Capbreton ?
Il y a beaucoup d’espèces ici. On voit beaucoup de Delphinidae (grande famille des dauphins). On va avoir le grand dauphin (Flipper le dauphin 🐬), ils sont là toute l’année. Plus la période estivale approche, plus ils se rapprochent des côtes. On va avoir également le dauphin commun, l’été il y a des pods énormes (pods : groupe de dauphins), on peut observer des pods de 100, 200, 300 dauphins en même temps. Il y a aussi des Stenella, le dauphin blanc et bleu. Les Globicéphales, ce sont les gros dauphins noirs que l’on confond souvent avec des baleines (ils peuvent mesurer jusqu’à 6 mètres pour 3,5 tonnes quand même!), c’est le 2ème plus gros dauphin du monde après l’orque. Les orques peuvent également passer dans le Gouf, c’est le « gold » pour l’équipe d’apex Cetacea haha. On peut voir aussi du marsouin et du dauphin de Risso. On est déjà à 7 espèces de dauphins dans le Gouf de Capbreton.
En baleine on a des cachalots (plus grand prédateur du monde), on en a vu à 3 reprises à 3000 nautiques (environ 6km) de Capbreton. On a des baleines à bec, les plus grands apnéistes du monde (jusqu’à 2h d’apnée), le rorqual de Minke, le rorqual commun. Et l’année dernière, on a vu des baleines à bosse ! Elles sont plus souvent dans les eaux très chaudes pour se reproduire et mettre bas, puis elles partent dans les eaux très froides pour se nourrir. Le golf de Gascogne est sur le passage de leur migration, c’est rare de les trouver car elle ne s’arrêtent pas spécialement sur nos côtes.
Hors cétacés, on peut observer des poissons lunes, des espadons, du thon, des chipirons, des gros calamars, et du requin : du peau bleu, du requin mako et du requin marteau.
On aimerait bien mettre en avant les requins parce qu’ils sont parmi les espèces les plus pêchées au monde, et ils sont indispensables dans l’équilibre de l’océan.Peut-on observer ces animaux toute l’année ?
Alors oui, on peut observer les animaux toute l’année mais il y aura des conditions plus ou moins favorables. En plein hiver, c’est un peu compliqué de naviguer dans le Gouf de Capbreton. La meilleure période c’est de fin mars à octobre.
En un an, on a eu beaucoup de chances. On a fait des découvertes majeures comme le dauphin blanc (le seule de cette espèce qui a cette couleur dans cette zone la), c’est un dauphin commun qui est piebald (il n’est pas albinos, il a une anomalie génétique qui fait qu’une partie de son corps va être blanc, et d’autres parties auront la couleur naturelle), c’est très rare. En général, les individus « faibles » ou menaçant pour le pod (comme le dauphin blanc, qui, à cause de sa couleur est trop visible par les autres poissons dans l’eau et a un système immunitaire un peu plus faible que les autres) sont chassés par le groupe. Ça a déjà été observé dans des mers comme la mer noire. Ils sont en général dans des zones où ils n’ont pas de prédateurs, ils n’ont pas cette pression environnementale qui fait que le reste du groupe chasse cet indivdu à la naissance parce qu’il est trop voyant, donc, le fait que cet animal la soit en bonne santé dans la zone du Gouf est bon signe. Ça nous permet également de suivre le pod de cet individu car sa couleur nous permet de l’identifier directement, c’est une petite lanterne dans l’océan.
On a également trouvé un globicéphale tout beige/marron, ils sont censés être tout noir de base. C’est encore plus rare, on a vu un ou deux individus dans le monde qui sont tout blancs, mais jamais de beige/marron. C’est une anomalie génétique. D’aspect général il a l’air en très bonne santé. C’est du jamais vu au niveau mondial. Exclusivité Gouf haha.
Retrouvez toutes les photos de ces magnifiques cétacés sur le Instagram d'Apex Cetacea !
Vous observez des animaux à chaque sortie ?
Pratiquement, sur quasiment une soixantaine de sortie ça nous est arrivé 2/3 fois de ne pas croiser d’animaux, pas de cétacés du moins, on a pu observer d’autres animaux !
Comment faites-vous les prélèvements pour vos recherches ?
Tous les protocoles qu’on utilise sur les animaux sont non-invasifs, on ne touche pas l’animal, on ne lui fait pas mal et on ne le gène pas. Les animaux ne sont ni tagués ni pucés, c’est contre notre éthique.
Comment se déroule une expédition grand public ?
Alors tout d’abord il n’y a pas vraiment de critères, il faut avoir une santé générale normale, on commence les expéditions à partir de 10 ans (possibilité d’avoir des plus petits si ils sont déjà habitués à l’eau/le surf etc…). Il faut compter une grosse demi-journée, on se retrouve au port vers 8h/8h30, on vous équipe. On peut proposer des immersions mais elles ne sont pas systématiques, on ne propose pas de la nage avec dauphins commerciale. Si jamais les animaux sont curieux, interactifs et joueurs alors on pourra peut-être plonger avec un masque et un tuba et nager avec eux, les observer en immersion, c’est le bonus de la journée. On laisse venir les animaux à nous. Notre rôle est de lire le comportement des animaux puis d’encadrer les personnes qui se mettent à l’eau. Très souvent les gens viennent avec nous car ils savent que les mises à l'eau ne sont pas systématiques et que l'ont s'adaptent aux animaux.
On prend en général 10 passagers + 2 membres d’équipages. On fait les expéditions à partir de 6 passagers minimum et en fonction de la météo. Le tarif est de 190€ par personne avec le matériel compris (avec une grosse partie qui part pour la recherche).
Pour réserver une expédition, rendez-vous sur le site internet Apex Cetacea
Quels sont les enjeux environnementaux ?
En France, le gros fléau c’est le « Dolphin bycatch » (c’est la capture non intentionnel des dauphins dans les filets de pêche). On estime qu’on tue dans les filets jusqu’à 10.000 dauphins par an sur les eaux françaises. En consommant du poisson pêcher par les chalutiers on participe indirectement au dolphin bycatch. Pour préserver les cétacés, il faut choisir le poisson que l’on mange. On peut retrouver un guide du consommateur qui est très bien fait, réalisé par l’association Itsas Arima. Il montre quelle espèce de poisson on peut manger, quel type de pêche choisir sans participer au dolphin bycatch. Pour exemple, avec un chalutier, on récupère uniquement 40% de ce qu’on a pêché, les 60% autres poissons sont morts pour rien. Théoriquement, la meilleure pêche au monde serait la pêche sous marine au harpon, on sélectionne le poisson qu’on veut, la taille et l’espèce. La pêche à la canne est également une des plus sustainables. Logiquement, le prix du poisson augmente si le type de pêche est moins rentable, mais n’est-ce pas plus intéressant d’en manger moins souvent mais bien pêché et de meilleure qualité, sans participer au dolphin bycatch ?
90% des passagers qui viennent aux expéditions ne sont pas au courant que la pêche industrielle tue autant d’espèces. La meilleure façon de préserver les dauphins est donc d’en parler autour de soi.
Niveau environnemental, il y a aussi la trop grande présence de plastique dans les océans. Les cétacés sont en haut de la chaine alimentaire, ils vont donc accumuler toutes les toxines du plastique. Ils sont donc très impactés par cette pollution. Une étude a été faite sur des consommateurs de poissons, un français mange l’équivalent d’une carte bleue en plastique par semaine (soit 5 grammes) !
Un mot positif pour la fin ?
On voit beaucoup de naissances, il y a un très belle faune. On espère dans le futur pouvoir donner que du positif. On l’a vu pendant le confinement, quand on laisse un peu de répit à la nature, elle reprend vite ses droits, et c’est encourageant ! De plus en plus de personnes sont sensibles et sensibilisées à ça, ça donne beaucoup d’espoir pour la suite !
Interview d’Hugo Verlomme
Qui êtes-vous ?
Je m’appelle Hugo Verlomme, passionné de l’océan et d’Hossegor depuis l’enfance, j’ai écrit plus de 30 livres sur l’océan, je vis à Capbreton, je pratique le bodysurf et je me suis intéressé au canyon dès 2005. Depuis 2015 j’organise, avec la ville de Capbreton et le parrainage de l’Ifremer, les Journées du Gouf qui réunissent chercheurs, scientifiques et autres passionnés du canyon. Nous venons d’ailleurs de sortir un roman, coécrit avec Valentine Karwoski, dans lequel il est question du Gouf : « Le Doigt mordu » (c’est le nom d’un lieu de pêche sur le canyon). J’ai également écrit « La Piste de l’eau », un récit autobiographique où le Gouf est aussi présent.
Le Gouf c’est quoi ?
Longtemps les gens ont cru que c’était une faille, une fosse, sans trop savoir de quoi il s’agissait. Or, sans le canyon, Capbreton et Hossegor n’existeraient pas. Les lieux où l’on vit ont une histoire géologique avant d’avoir une histoire humaine. Il y avait un fleuve, l’Adour, qui se jetait dans le canyon, et sûrement des rivières. Ce qui fait le caractère unique de ce canyon c’est qu’il est relié au littoral et qu’il est à la fois long et profond à son extrémité. Tu peux nager depuis la plage de Capbreton ou d’Hossegor et te retrouver au-dessus de la « tête » du canyon. Ce sont les seuls rochers de la côte.
Longtemps les gens ont cru que c’était une faille, une fosse, sans trop savoir de quoi il s’agissait. Or, sans le canyon, Capbreton et Hossegor n’existeraient pas. Les lieux où l’on vit ont une histoire géologique avant d’avoir une histoire humaine.
Comment a-t-il été créé ?
C’est tout un processus qui se déroule sur des millions et des millions d’années, par la tectonique des plaques et par les niveaux marins qui changent, avec ce canyon situé dans le prolongement de la faille pyrénéenne. Il y a 20 000 ans, le niveau de la mer était 130 mètres plus bas, nos ancêtres pouvaient donc aller à pied jusqu’à la tête du Gouf !
Le Gouf a-t-il une influence sur la célèbre vague de la Nord d’Hossegor ?
Oui tout à fait, la Nord est générée par certains reliefs de la tête du Gouf. Récemment, nous avons travaillé sur la bathymétrie de cette zone. Avec le regard des plongeurs, comme Nicolas Bidou des Aquanautes, et des surfeurs qui pratiquent régulièrement la Nord, Alex et Guillaume Mangiarotti, nous avons pu déterminer par quels mécanismes se forme cette vague mythique, l’une des plus connues de France.
L’été dernier nous avons lancé un concours participatif de toponymie avec l’IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) et le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la Marine) pour nommer huit lieux spécifiques du Gouf. L’endroit où se forme la Nord a donc été appelé La Rampe. Ce qui en fait sa particularité c’est que c’est un « reef break », une « vague de récif » qui se forme toujours au même endroit. C’est une vague mythique en Europe depuis les années 1960-70, elle attire des surfeurs du monde entier prêts à surfer la Nord.
Au Portugal, la vague de Nazaré (plus grosse vague du monde) se forme grâce la présence d’un canyon semblable à celui de Capbreton, d’où le jumelage des deux villes depuis 2018.Quelle est la profondeur du Gouf ?
Il descend en pente douce depuis la tête du Gouf. À 300 m du littoral de Capbreton, il n’est profond que de quelques dizaines de mètres puis, 300 km plus loin il atteint une profondeur maximale à 4 800 mètres dans la plaine abyssale du golfe de Gascogne.
Pourquoi le Gouf est-il si peu connu ?
Avant que je m’en occupe, les gens connaissaient le nom, le mot, mais ne savaient pas toujours ce qu’il y a derrière. Il n’est pas connu parce qu’il est sous l’eau, caché par la surface. Pour faire connaître des choses qui se trouvent sous l’eau, il faut beaucoup d’imagination, faire beaucoup d’efforts pour tout expliquer. Rendre l’invisible visible. On ne connaît que 10 % des fonds marins.
Y’a-t-il des mythes, des légendes ?
Il n’y a pas encore de légendes parce que les gens ne connaissaient pas le canyon. Les légendes se créent maintenant !
C’est quoi les Journées du Gouf ?
Ce sont des journées très denses où se réunissent les amoureux du Gouf et de l’Océan, chercheurs, scientifiques, marins, pêcheurs, plongeurs, surfeurs, artistes, passionnés pour célébrer ce formidable patrimoine géologique qui est aussi un hotspot de la biodiversité marine. Le prochain événement lié au Gouf aura lieu le 22 octobre 2022 à Capbreton. L’événement est ouvert à tous et gratuit, à suivre sur le site de la Ville de Capbreton.
Vous pouvez retrouver le dernier livre d’Hugo Verlomme et Valentine Karwoski « Le Doigt mordu » en librairie ou sur internet.Après la rencontre avec Hugo Verlomme, nous avons eu la chance de discuter avec le comportementalisme animalier, Clément Boustre, pour Apex Cetacea.
Qu’est ce que c’est Apex Cetacea ?
C’est un centre dédié à l’observation et la recherche des cétacés, plus particulièrement dans le Gouf de Capbreton. On propose également des expéditions ouvertes au grand public pour que les gens puissent venir avec nous observer ces animaux, de manière éthique et responsable. Ces expéditions permettent de financer nos études. Cela permet aussi d’avoir un axe d’éducation et de conservation pour protéger ces animaux. Tout le monde est gagnant, les gens peuvent vivre un joli moment, grâce à ces expéditions, on peut financer nos études, puis grâce à ces études nous pouvons en apprendre plus sur ces animaux et donc les protéger. L’histoire a commencé l’année dernière, au mois de janvier 2021, en plein Covid.
Qui fait partie de l’équipe Apex Cetacea ?
Il y a une partie professionnelle et une partie associative. Alexis, le "main Skipper" et biologiste marin. Ines, la directrice de recherche. Romain alias Mowgli, scaphandrier et plongeur. Karine, stagiaire en biologie marine et moi, comportementalisme animalier, manager de toute la recherche et directeur d’Apex Cetacea.
Quels sont les animaux observables dans le Gouf de Capbreton ?
Il y a beaucoup d’espèces ici. On voit beaucoup de Delphinidae (grande famille des dauphins). On va avoir le grand dauphin (Flipper le dauphin 🐬), ils sont là toute l’année. Plus la période estivale approche, plus ils se rapprochent des côtes. On va avoir également le dauphin commun, l’été il y a des pods énormes (pods : groupe de dauphins), on peut observer des pods de 100, 200, 300 dauphins en même temps. Il y a aussi des Stenella, le dauphin blanc et bleu. Les Globicéphales, ce sont les gros dauphins noirs que l’on confond souvent avec des baleines (ils peuvent mesurer jusqu’à 6 mètres pour 3,5 tonnes quand même!), c’est le 2ème plus gros dauphin du monde après l’orque. Les orques peuvent également passer dans le Gouf, c’est le « gold » pour l’équipe d’apex Cetacea haha. On peut voir aussi du marsouin et du dauphin de Risso. On est déjà à 7 espèces de dauphins dans le Gouf de Capbreton.
En baleine on a des cachalots (plus grand prédateur du monde), on en a vu à 3 reprises à 3000 nautiques (environ 6km) de Capbreton. On a des baleines à bec, les plus grands apnéistes du monde (jusqu’à 2h d’apnée), le rorqual de Minke, le rorqual commun. Et l’année dernière, on a vu des baleines à bosse ! Elles sont plus souvent dans les eaux très chaudes pour se reproduire et mettre bas, puis elles partent dans les eaux très froides pour se nourrir. Le golf de Gascogne est sur le passage de leur migration, c’est rare de les trouver car elle ne s’arrêtent pas spécialement sur nos côtes.
Hors cétacés, on peut observer des poissons lunes, des espadons, du thon, des chipirons, des gros calamars, et du requin : du peau bleu, du requin mako et du requin marteau.
On aimerait bien mettre en avant les requins parce qu’ils sont parmi les espèces les plus pêchées au monde, et ils sont indispensables dans l’équilibre de l’océan.Peut-on observer ces animaux toute l’année ?
Alors oui, on peut observer les animaux toute l’année mais il y aura des conditions plus ou moins favorables. En plein hiver, c’est un peu compliqué de naviguer dans le Gouf de Capbreton. La meilleure période c’est de fin mars à octobre.
En un an, on a eu beaucoup de chances. On a fait des découvertes majeures comme le dauphin blanc (le seule de cette espèce qui a cette couleur dans cette zone la), c’est un dauphin commun qui est piebald (il n’est pas albinos, il a une anomalie génétique qui fait qu’une partie de son corps va être blanc, et d’autres parties auront la couleur naturelle), c’est très rare. En général, les individus « faibles » ou menaçant pour le pod (comme le dauphin blanc, qui, à cause de sa couleur est trop visible par les autres poissons dans l’eau et a un système immunitaire un peu plus faible que les autres) sont chassés par le groupe. Ça a déjà été observé dans des mers comme la mer noire. Ils sont en général dans des zones où ils n’ont pas de prédateurs, ils n’ont pas cette pression environnementale qui fait que le reste du groupe chasse cet indivdu à la naissance parce qu’il est trop voyant, donc, le fait que cet animal la soit en bonne santé dans la zone du Gouf est bon signe. Ça nous permet également de suivre le pod de cet individu car sa couleur nous permet de l’identifier directement, c’est une petite lanterne dans l’océan.
On a également trouvé un globicéphale tout beige/marron, ils sont censés être tout noir de base. C’est encore plus rare, on a vu un ou deux individus dans le monde qui sont tout blancs, mais jamais de beige/marron. C’est une anomalie génétique. D’aspect général il a l’air en très bonne santé. C’est du jamais vu au niveau mondial. Exclusivité Gouf haha.
Retrouvez toutes les photos de ces magnifiques cétacés sur le Instagram d'Apex Cetacea !
On a également trouvé un globicéphale tout beige/marron, ils sont censés être tout noir de base. C’est encore plus rare, on a vu un ou deux individus dans le monde qui sont tout blancs, mais jamais de beige/marron. C’est une anomalie génétique. D’aspect général il a l’air en très bonne santé. C’est du jamais vu au niveau mondial. Exclusivité Gouf haha.
Vous observez des animaux à chaque sortie ?
Pratiquement, sur quasiment une soixantaine de sortie ça nous est arrivé 2/3 fois de ne pas croiser d’animaux, pas de cétacés du moins, on a pu observer d’autres animaux !
Comment faites-vous les prélèvements pour vos recherches ?
Tous les protocoles qu’on utilise sur les animaux sont non-invasifs, on ne touche pas l’animal, on ne lui fait pas mal et on ne le gène pas. Les animaux ne sont ni tagués ni pucés, c’est contre notre éthique.
Comment se déroule une expédition grand public ?
Alors tout d’abord il n’y a pas vraiment de critères, il faut avoir une santé générale normale, on commence les expéditions à partir de 10 ans (possibilité d’avoir des plus petits si ils sont déjà habitués à l’eau/le surf etc…). Il faut compter une grosse demi-journée, on se retrouve au port vers 8h/8h30, on vous équipe. On peut proposer des immersions mais elles ne sont pas systématiques, on ne propose pas de la nage avec dauphins commerciale. Si jamais les animaux sont curieux, interactifs et joueurs alors on pourra peut-être plonger avec un masque et un tuba et nager avec eux, les observer en immersion, c’est le bonus de la journée. On laisse venir les animaux à nous. Notre rôle est de lire le comportement des animaux puis d’encadrer les personnes qui se mettent à l’eau. Très souvent les gens viennent avec nous car ils savent que les mises à l'eau ne sont pas systématiques et que l'ont s'adaptent aux animaux.
On prend en général 10 passagers + 2 membres d’équipages. On fait les expéditions à partir de 6 passagers minimum et en fonction de la météo. Le tarif est de 190€ par personne avec le matériel compris (avec une grosse partie qui part pour la recherche).
Pour réserver une expédition, rendez-vous sur le site internet Apex Cetacea
Quels sont les enjeux environnementaux ?
En France, le gros fléau c’est le « Dolphin bycatch » (c’est la capture non intentionnel des dauphins dans les filets de pêche). On estime qu’on tue dans les filets jusqu’à 10.000 dauphins par an sur les eaux françaises. En consommant du poisson pêcher par les chalutiers on participe indirectement au dolphin bycatch. Pour préserver les cétacés, il faut choisir le poisson que l’on mange. On peut retrouver un guide du consommateur qui est très bien fait, réalisé par l’association Itsas Arima. Il montre quelle espèce de poisson on peut manger, quel type de pêche choisir sans participer au dolphin bycatch. Pour exemple, avec un chalutier, on récupère uniquement 40% de ce qu’on a pêché, les 60% autres poissons sont morts pour rien. Théoriquement, la meilleure pêche au monde serait la pêche sous marine au harpon, on sélectionne le poisson qu’on veut, la taille et l’espèce. La pêche à la canne est également une des plus sustainables. Logiquement, le prix du poisson augmente si le type de pêche est moins rentable, mais n’est-ce pas plus intéressant d’en manger moins souvent mais bien pêché et de meilleure qualité, sans participer au dolphin bycatch ?
90% des passagers qui viennent aux expéditions ne sont pas au courant que la pêche industrielle tue autant d’espèces. La meilleure façon de préserver les dauphins est donc d’en parler autour de soi.
Niveau environnemental, il y a aussi la trop grande présence de plastique dans les océans. Les cétacés sont en haut de la chaine alimentaire, ils vont donc accumuler toutes les toxines du plastique. Ils sont donc très impactés par cette pollution. Une étude a été faite sur des consommateurs de poissons, un français mange l’équivalent d’une carte bleue en plastique par semaine (soit 5 grammes) !
Un mot positif pour la fin ?
On voit beaucoup de naissances, il y a un très belle faune. On espère dans le futur pouvoir donner que du positif. On l’a vu pendant le confinement, quand on laisse un peu de répit à la nature, elle reprend vite ses droits, et c’est encourageant ! De plus en plus de personnes sont sensibles et sensibilisées à ça, ça donne beaucoup d’espoir pour la suite !
Pour préserver les cétacés, il faut choisir le poisson que l’on mange. On peut retrouver un guide du consommateur qui est très bien fait, réalisé par l’association Itsas Arima.